Le premier tour de piste est terminé pour Triptyque. Il a été projeté au Festival du nouveau cinéma de Montréal. J’ai eu la satisfaction de le voir projeté en HD, mais il y a eu très peu de spectateurs, 7 ou 8 la première fois et 16 la deuxième. C’est certainement décevant mais cela ne change pas grand chose au destin du film. Des amis proches l’ont vu, ce qui n’est pas rien mais je n’ai pas eu l’expérience du choc avec un public anonyme aucunement préparé à mon style de travail. J’aurais aimé voir comment la radicalité du film aurait été reçue. Mais ça sera pour une autre fois, peut-être aux Rendez-vous du cinéma québécois. Le film est maintenant distribué par Le Vidéographe et poursuivra son chemin.
Ce qui reste pour l’instant, c’est que par rapport aux Exercices d’animation, il aura été crucial de faire l’effort et l’expérience de la construction d’un film à partir de matières cinématographiques aussi paradoxales. Il en est résulté «le film», bien sûr, mais aussi une compréhension plus profonde des enjeux de ce projet. En l’occurrence, les présentations publiques d’Exercice d’animation, en particulier à Rome et à Meldola, ont été particulièrement exaltantes et ont témoignées d’une transformation et d’un progrès qui sont la conséquence directe du travail sur le film. De nouvelles directions sont apparues. À Meldola, j’ai inclus, dans la performance, de la gravure sur pellicule en direct, travaillant alternativement à mon poste/ordinateur et à mon poste/projecteur 16mm. Je remettrai cela à Toronto, le weekend prochain, deux fois, et cela fera également partie de la performance avec Karl Lemieux aux Sommets de l’animation en décembre à la Cinémathèque québécoise. Une chose que j’ai faite par fantaisie, surtout pour faire plaisir à Gionni de Area Sismica (qui finalement ne l’a même pas vu) prend finalement une importance inattendue dans le cours des Exercices d’animation.
À la lumière de ces différentes tentatives, je devrai réfléchir aux implications de ce «retour du refoulé», c’est-à-dire «la gravure sur pellicule en direct» que je croyais avoir abandonnée pour de bon, dans les Exercices d’animation. Les Exercices ont déjà le caractère d’une sorte de résonnance temporelle de moments antérieurs en tant qu’ils sont précisément ce que j’aurais voulu faire en 1984 à un moment où l’infrastructure informatique ne le permettait pas, et ce que la première version de mon «patcher Jitter» était supposée me permettre de faire en 2001, à un moment où je ne comprenais pas encore la portée de ce que je mettais en place et où, de toute façon, je n’avais pas encore la compétence technique et mentale pour pouvoir le faire. En 1984, faute d’avoir pu donner un prolongement informatique à mon système de cycles décalés expérimentés dans O Picasso, j’avais plutôt imaginé le dispositif de la «gravure sur pellicule en direct» que j’allais pratiquer pendant dix-sept ans, jusqu’en 2002. Il n’est donc pas illogique que ça ressurgisse à l’occasion des Exercices d’animation. Un beau court-circuit historique !
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