Après l’Argentine et l’Italie

Je ne suis pas content de la forme qu’a pris ce blog. Je ne sais probablement pas exactement ce que je veux en faire et l’idée d’écrire ici chaque jour n’est pas praticable. J’ai trop d’autres activités pour tenir ce rythme et, assez souvent, il n’y a rien de vraiment intéressant à écrire. Je vais essayer d’écrire une fois par semaine et résumer ce dont il me semble important de garder trace. Je n’ai rien écris ici depuis le jour de la performance à Buenos Aires. Il y avait un bon public (+ ou – 200 personnes) très attentif. Le spectacle Special Forces a été reçu avec enthousiasme. Les organisateurs du festival étaient très contents. Sylvie a exprimé des réticences qui rejoignaient celles de certains amis de Bob au sujet du caractère trop violent de notre prestation. Je ne sais quoi penser. Au moment des bombardements de Beyrouth, j’ai fortement ressenti la violence extrème de cet événement et le danger qu’ils recelaient. Ce sentiment avait été renforcé par mon voyage à Beyrouth et par la lecture du livre tiré du blog de Mazen. Bientôt deux années sont passées et tout cela s’est estompé dans la mémoire collective. Comment en témoigner encore maintenant? De toute façon, la pièce existe, nous avons déjà des engagements pour l’an prochain, nous n’avons pas beaucoup le choix de continuer à la faire comme elle est.

Par la suite, le festival a été marqué par la rencontre de Leonardo D’Esposito, un critique de cinéma qui avait accepté de faire la présentation de L’Ange et l’automate lors du lancement de l’édition en langue espagnole. Il a fait cela avec un sérieux qui m’a déconcerté. Il a vu tous les films, lu le livre en français et en espagnol (il m’a d’ailleurs confirmé que la traduction était d’une grande précision) et cela a mené à une présentation de 30 minutes qui était une véritable analyse de mon travail. Son enthousiasme m’a beaucoup touché. Très touché également par la rencontre avec la traductrice du livre et avec sa mère qui y a contribué. C’est une chose que je connaissais peu que d’être soudain en contact avec des gens qui accorde une telle importance à mon travail. Jusqu’à maintenant les gens qui s’étaient penchés sur mes films étaient de gens que je connaissais bien, parfois de longue date. Ces très différents que l’occasion du contact soit précisément cet intérêt et ce travail. C’est très émouvant et il y a quelque chose de réciproquement intimidant. J’allais avoir la mème sensation à Catania avec Mariella.

Petite anecdote qui me fait bien plaisir. En parlant avec Leonardo, il m’a confié l’importance qu’il accordait au livre de Hervé Joubert-Laurencin, La lettre volée, qu’il avait lu à Paris à la Bibliothèque Nationale sans pouvoir trouver à l’acheter en librairie. Il ne lui en restait que ses notes de lecture. Je l’ai mis illico en contact avec Hervé qui lui a tout de suite posté un exemplaire de son livre. La joie de Leonardo m’a grandement réjouit.

Le festival s’est terminé dans la fumée des feux de broussaille qui ont recouvert Buenos Aires pendant quatre jour. L’avant dernier jour du festival, on voyait à peine de l’autre côté de la rue. L’air irrespirable irritait la gorge, les yeux et donnait mal à la tête. Nous sommes partis vers Mendoza une journée plus vite que prévu et j’ai raté la dernière projection de La Plante humaine. Je suis arrivé la bas fatigué par la fumée et par l’effort quotidien consenti pendant deux semaines à présenter mes films, à répondre à des questions et à discuter. Le repos était mérité. Le circuit de 350 km dans les Andes à lui seul valait le voyage. J’y ai contemplé les plus beaux paysages, les plus grandioses que je aie vus dans toute ma vie.

Ensuite, deux semaines de repos, qui n’ont pas suffit à retrouver complètement mon énergie et à réparer mon dos qui avait quand même souffert du voyage en Argentine, et je repartais pour l’Italie. Je suis d’abord allé à Macchiagodena pour le IOProject (Investigation of Ontology). C’était un endroit complètement improbable pour une manifestation de ce genre. C’est un village de 1500 habitants de la région de Molise, province d’Isernia, dans les monts Apenins au centre sud de l’Italie. C’est un coin perdu et très beau de l’Italie rurale. J’ai été reçu magnifiquement. Nous étions une vingtaine de participant dans une athmosphère amicale et très joyeuse. Pour les repas, nous nous retrouvions dans le réfectoire du presbytère, nourris par la cuisinière du curé. Ce fut une vrai expérience à tout point de vue. Je me suis intégré à la performance de manipulation d’images en direct animée et dirigée par Saul que j’avais déjà rencontré à Bologne par l’intermédiaire de mon ami Andrea qui était également de la partie. Le samedi soir, j’ai fait pour la première fois une double performance, Seule la main… et Glaces enchaînées. J’avais un peu d’appréhension quant à ma capacité de passer sans transition de Seule la main… au réglage de l’ordinateur pour Glaces et de tout de suite plonger dans le climat contemplatif de Glaces. Mais tout ça a très bien été et le petit public (entre 50 et 100 personnes, en fait un gros public pour ce petit village) a semblé très satisfait. Et j’ai pu enregistrer la version italienne de Seule la main…, Solo la mano que cancella puo scrivere la verita.

Le dimanche matin, deux heures de route vers Rome pour mener Andrea à la gare où il prenait son train pour Bologne. Cela a permis un petit tour de Rome en voiture où j’ai pris encore une fois plaisir à la lumière si douce de cette ville. Un moment de bonheur. Aéroport. 110 euros d’excédent de bagage à cause de tout mon gréement technique qui me fait de plus en plus souffrir…et mon dos! À l’arrivée à Catania, l’Etna fumant était dégagé et avant d’aterrir l’avion l’a contourné par l’ouest et par le sud. Vision grandiose. cette montagne a une présence incroyable. Le séjour de quatre jours à Catania a été bien rempli. De longues heures passés avec Ivano et son étudiante Mariella qui a entrepris d’étudier mon travail. Petit voyage à Noto et dans une réserve faunique sur le bord de la mer ensemble, entrevue plus formelle filmée, rencontre de deux heures avec les étudiants de l’Académie des Beaux-Arts (projet de faire une sorte de master class de deux semaines l’année prochaine) puis de nouveau Seule la main… en italien en première partie de La Plante humaine dans la salle de projection de ZO Culture, lieu auquel sont attachés de si bon souvenirs d’il y a maintenant trois ans. Au départ, le jeudi matin, par temps clair l’avion a contourné l’Etna par l’est et par le nord, j’étais comblé. Ensuite trois jours calmes à Paris chez mon amie Inger, tour des librairies, achat en particulier des coffrets DVD 3,4 et 5 de l’oeuvre complète de Johan, intéressante expo de Louise Bourgeois à Beaubourg, dont je connaissais mal le travail, expo Traces du Sacré que j’ai trouvé douteuse dans ces intentions et très inégale dans les oeuvres présentées. Au jeu de Paume, belle exposition de photographies L’Espace entre nous de l’américain Alec Soth. Moments heureux avec Hervé et Sylvie.

Depuis mon retour à Montréal, j’écris avec certaines difficultés ma conférence sur le cinéma à l’ère numérique pour le colloque des 16 et 17 juin, à l’INHA à Paris. Difficulté de bien cerner ce que je vais faire dans cette assemblée d’universitaire, comment je vais trouver ma juste place. Comme toujours mélange d’ambition sur le plan des objectifs et de modestie sur le plan des moyens. Le fait que ce soit Hervé qui m’ait fait inviter, me donne confiance. Il sait ce que je suis en mesure de contribuer au colloque. Je lis avec émotions le nouveau tome du journal de Henry Bauchau, Le présent d’incertitude. Conséquence de tous ces voyages, j’ai de nouveau terriblement mal au dos. Je me sens revenu à mon état du mois de novembre.

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