Tour de France à Utrecht, prise quatre.
J’ai laissé derrière moi le plan dont j’ai montré trois états au cours des dernières semaines pour me concentrer sur sa contrepartie qui occupera la place gauche de cette installation à deux écrans. Tous les tournages d’Utrecht ont été effectués de la même façon. Chaque fois, deux cadres juxtaposés créant une sorte de panorama. L’idée n’est cependant pas de connecter les deux images de façon imperceptible et de suggérer une impression de continuité d’une image à l’autre. Je ne tourne pas à deux caméras, en conséquence l’action dans chacun des plans n’est pas simultanée, mais successive. Impossible donc de les ajuster comme le permettent certains logiciels. En outre, ces deux plans seront placés sur deux boucles distinctes, de longueurs inégales, qui joueront respectivement sur chacun des deux écrans avec des mises en relation toujours renouvelées. Ce n’est que périodiquement qu’ils seront visibles directement l’un à côté de l’autre.
Ma précédente installation, Berlin – Le passage du temps, a aussi été construite d’une façon similaire, sur quatre écrans dans ce cas. Le réseau de mises en relation y était plus complexe et moins contrôlable. L’élaboration des quatre boucles de durées inégales a été une expérience de montage déroutante et passionnante. Aux prises avec une matière essentiellement imprévisible, je devais quant même trouver comment intervenir pour maximiser les points de rencontre, processus essentiellement intuitif. J’ai fini par appeler ça du «montage par interférences», par opposition à «montage par attractions» qui se joue sur des relations fixes, construites et intellectualisées. Ici, rien de stable, que du fugitif, de l’imprévu et du fulgurant.
Pour Tour de France à Utrecht, j’ai réduit le nombre d’écrans à deux, d’abord pour des raisons de délai de production très serré, mais aussi pour mettre en pratique les leçons que j’avais tirées du travail sur la pièce berlinoise, dans un contexte légèrement plus prévisible. C’est ce dispositif simplifié qui m’a amené à imaginer un protocole de tournage couplant toujours deux cadres gauche/droite juxtaposés. À ce point, je n’ai pas encore assez de matériel élaboré pour tester tout ça avec des visionnements à deux écrans. Je nage encore dans les hypothèses.
Entre temps, René Lussier m’a fourni un répertoire de matières musicales que je peux organiser selon les besoins très changeants du montage. Les deux plans sont maintenant sonorisés de façon plus poussée, mais la construction sonore est nettement plus incertaine que celle de l’image. Dans l’espace du double écran, les deux images occupent des places clairement distinctes. Les sources sonores, elles, s’homogénéisent dans un espace unique. Le véritable travail du son ne pourra donc se faire qu’à partir du moment où le visionnement de l’ensemble deviendra possible.
Finalement, la mise au point du nouveau plan, que je vous montre aujourd’hui, m’a amené à retravailler le premier dont certains éléments ont été inversés et dont la piste sonore a été développée. Il y a donc une quatrième version. Voici les deux plans dans leur état actuel. Comme la fin du mois de janvier approche, c’est la dernière fois que je vous les présente. La suite au Holland Animation Film Festival, le 18 mars.