Hier je suis allé à Montréal voir comment les choses se passent avec mon installation à la Cinémathèque. Il y avait quelques belles surprises dans le cahier de commentaires, ça faisait un mois que je ne l’avais consulté. Je n’ai pas pu prendre un café sur place car le café-bar n’était pas encore ouvert, alors je suis allé m’installer dans un établissement de la rue St-Denis où j’ai été brutalement interrompu par le début d’une partie de foot du mondial. On avait installé un grand écran spécialement pour cela. Irrité et quelque peu déprimé par ce phénomène qu’est l’engouement fanatique pour le foot, tendu entre le divertissement global de masse (ici c’est ce qui domine) et un ultra-nationalisme étroit et exacerbé (le soutien aux «bleus» tel que nous l’avons observé en France au cours du dernier mois). Je suis retourné à la Cinémathèque pour observer incognito le comportement et les déplacements des visiteurs devant l’installation, chose que j’ai souvent faite depuis le mois de mars. Voir des visiteurs rester 10, 15, 20, 30 minutes en observation devant les quatre écrans et les huit dessins me soulage des mauvais pressentiments que m’inspire la fièvre footballienne. Ça me semble une chose positive, totalement aux antipodes de cette fièvre de masse, que l’espace de l’exposition puisse être ainsi un lieu de méditation solitaire où des regardeurs acceptent de se laisser absorber par le tissage temporel infini qui leur est proposé. Cela me réjouit mais bien modestement car objectivement, face aux phénomènes de masse, il ne s’agit que d’une goute d’eau dans l’océan, qui n’a pas beaucoup d’effet sur le monde tel qu’il va. Mais j’essaie de m’habituer à l’idée que c’est déjà quelque chose et que ça a quand même une valeur inaliénable. Approchant de l’installation, j’ai vu de dos, assis sur le banc devant les écrans, la silhouette d’un couple en pleine observation, silhouettes qui m’ont semblé familières. Il s’agissait effectivement de L. et R., deux bons amis. Je me suis avancé sans bruit et j’ai mis la main sur les épaules de l’une et de l’autre. Moment de vive surprise pour eux, et de joie, de se trouver tout à coup placés sans s’y attendre entre l’oeuvre et l’artiste. Grand réconfort pour moi aussi. Comme on dit, ça a valu le déplacement.
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