À la fin du mois d’avril 2009, je me suis rendu à San Francisco pour assister au MaxEXPO, une conférence internationale organisée par Cycling 74 autour de la constellation de logiciels Max-MSP-Jitter. Avec mon logiciel de performance, programmé dès 2001 par mon co-équipier Bob Ostertag, j’ai été un des premiers utilisateurs de Jitter, longtemps avant que celui-ci ne fût proposé sur le marché, dès les premières phases de son développement par Joshua Kit Clayton. Cela m’a valu une entrée au MaxExpo. Je me suis donc retrouvé à assister à plusieurs journées de présentations, très techniques pour la plupart, et j’ai fait face, une fois de plus, à mon éternel dilemme face à Max.
D’une part, j’en comprends l’esprit et j’ai une connaissance générale de son fonctionnement, ce qui m’a permis d’interagir avec Bob et les quelques autres qui ont programmé pour moi, mais, d’autre part, je n’ai pas la maîtrise technique qui me permettrait de programmer moi-même. C’est quand même une des idées de base de Max que d’être assez transparent et assez intuitif pour que les utilisateurs soient en mesure d’agir eux-mêmes sur leur dispositif technique. D’où le mode de programmation graphique. Donc, j’arrivais assez bien à suivre la conférence, mais à tout moment je butais sur les détails techniques. J’en suis venu à me dire que si je n’avais jamais réellement appris Max, c’est que, outre le manque de temps, je plaçais la barre trop haute en voulant d’emblée pouvoir modifier moi-même mon «patcher» qui, en l’occurrence, est d’une rare complexité et est grevé d’une longue histoire de modifications successives empilées les unes sur les autres de façon pas toujours élégante. J’ai donc pris, une fois de plus, la résolution d’apprendre Max, mais en me donnant un objectif plus modeste, bref en élaborant à partir de zéro un nouveau projet totalement distinct de mon «patcher» courant et beaucoup plus simple, qui soit à la mesure d’un apprenti.
J’ai ainsi eu l’idée d’un nouveau dispositif de performance vaguement fondé sur mon film OpHop (1966) ainsi que sur le principe des cycles décalés tel qu’élaborés dans mon film O Picasso, tableaux d’une surexposition (1986). C’est d’ailleurs ce principe qui fut, en 2001, le point de départ de la programmation de mon logiciel de performance. Il s’agissait de travailler par permutation et altération d’un très petit stock d’images en constant renouvellement. Ce fut bien dommage pour ma résolution de finalement apprendre Max car je me suis rapidement rendu compte que ce nouveau projet était totalement faisable avec mon «patcher» existant. C’est ainsi que, de retour à Montréal, j’ai entrepris une série de répétitions quotidiennes (j’appelais ça des «performances d’atelier») pour explorer cette nouvelle avenue. Ces répétitions étaient également nécessaires car je venais tout juste d’abandonner l’usage d’une manette de jeu (Saytek P2900 sans fil) comme outil de contrôle de mon «patcher» pour la remplacer par un iPod Touch avec le logiciel TouchOSC, permettant un contrôle beaucoup plus précis et malléable mais, auquel je devais m’adapter. J’avais donc vraiment besoin de répéter pour intégrer ce nouvel outil.
Le résultat de ces exercices que je faisais en écoutant la pièce musicale DJ of the Month de Bob Ostertag et que j’ai rapidement nommé «exercices d’animation» (cela est documenté sur mon BLOG) m’a immédiatement surpris. L’exploration de ce dispositif simple et la pratique de mon nouvel outil de contrôle ont ouvert la voie à un vrai projet artistique, même si au début je n’en avais même pas conscience et que, pendant longtemps, je ne savais pas où cela menait et encore moins comment un film serait possible. J’ai néanmoins persisté dans mes exercices quotidiens et j’ai enregistré et numérisé une bonne quinzaine d’entre eux. Première constatation : cette entreprise a été indissolublement liée à cette musique que je n’avais pas vraiment choisi. Deuxième constatation : tous ces exercices étaient «regardables» – du moins, moi, j’arrivais à les regarder avec intérêt et ce plusieurs fois d’affilée – et tous étaient très différents. J’avais d’autres activités bien plus urgentes à réaliser, mais je ne pouvais me retenir de continuer ce processus et de l’approfondir.
1- Genèse – Exercices d’animation