Seule la main… fut une installation vidéo issue d’une série de performances qui consistaient à animer en direct un court texte «Seule la main qui efface peut écrire la vérité» (faussement attribué à Maitre Ekhardt, il semble) en autant de langues différentes que possible, présentées ou bien devant des locuteurs de chacune des langues, ou bien dans des lieux qui avaient à voir avec ces langues. Il y a eu au total une vingtaine de performances en autant de langues différentes un peu partout dans le monde. La dernière fut en langue arabe à Beyrouth, le 7 mai 2011. Elle fut consciemment la «dermière» car c’était lors d’une performance en français à Beyrouth devant les étudiants de l’université St-Joseph, le 29 mars 2007, que l’idée d’en faire un projet multilingue s’était imposée. Ce qui impliquait de devoir la faire un jour à Beyrouth en langue arabe pour clore l’expérience. L’idée d’en faire une installation vidéo a commencé à s’imposer lorsque je me suis mis à faire des performances à trois écrans, la nouvelle langue fait en direct étant accompagnée de chaque côté de la projection des captations de deux performances déjà faites. C’était déjà un mixte entre performance et installation.
C’est lorsque j’ai atteint le chiffre magique de 12 langues différentes que j’ai mis en place l’installation qui fut présentée en décembre 2009, à la Cinémathèque québécoise, qui consistait à projeter simultanément sur trois murs de la salle Norman McLaren, les captations vidéo de ces douze variantes de la performance à raison de quatre écrans placés en ligne sur chaque mur, dans un ordre chronologique allant du mur de gauche jusqu’à celui de droite. Le fait que chaque performance avait été faite accompagnée de la même musique de Stefan Smulovitz (qui avait été improvisée lors de la toute première présentation à Vancouver, le 27 février 2007) et était plus ou moins construite selon la même structure permettait la présentation parallèle des douze versions. En conséquence, l’installation avait une durée définie de 35 minutes avec un noir avant la reprise d’une nouvelle projection. La forme de visionnement souhaitée impliquait donc le respect de ce cadre temporel, mais les spectateurs pouvaient cependant entrer dans la salle à tout moment et n’y rester que le temps qu’il leur plaisait. Il y a donc eu peu de spectateur qui ont vu du début à la fin dans le bon ordre la totalité de l’installation. Il fallait en outre choisir quel groupe d’écrans regarder, étant donné qu’il était impossible de voir les trois murs d’un même regard. En conséquence, pour la pluspart des visiteurs, l’effet submersif d’un environnement multilingue était ce qui dominait et je dois bien admettre qu’il y avait une contradiction entre la structure linéaire du déroulement de l’installation et la liberté de circulation des visiteurs.
La salle Norman McLaren avec sa grande dimension était un cadre rêvé pour présenter cette oeuvre. Je n’aurais pu espérer mieux. Je n’ai par contre pas pu la montrer ailleurs ce qui fut une déception. La complexité technique du dispositif consitutait un des obstacles. En effet, les six lecteurs DVD qui jouaient les boucles devaient impérativement être synchronisés ce qui nécessitait des ressources techniques qui n’étaient pas facilement disponibles. En abordant la conception de ma nouvelle installation, j’ai essayé de tenir compte de plusieurs problèmes : la lourdeur technique de devoir synchroniser les différentes bandes, la grande dimension de l’espace nécessaire et, finalement, la linéarité de la présentation avec un début et une fin. La solution fut la même pour les divers aspects, quatre boucles non-synchronisées de longueurs inégales présentées sur des écrans plats.