Performance à la Casa Obscura

Mercredi dernier, le collectif Basmati (Audrey Coianiz et Saul Sagatti) Jean Detheux et moi-même avons fait une improvisation visuelle collective avec les musiciens Jean Derome, Joane Hétu et Isaiah Ceccarelli, dans le cadre des Mercredimusics à la Casa Obscura, à Montréal. J’avais rencontré Audrey et Saul à Macchiagodena en Italie au mois de mai dernier, dans le cadre du IOProject où j’avais pris part à leur atelier Alkemax. C’était déjà prévu qu’ils venaient à Montréal au mois de septembre et nous avons convenu d’essayer d’organiser quelque chose ensemble dans le même esprit. J’ai proposé à Jean Derome de programmer une performance dans le cadre des Mercredimusics à la Casa. Il a tout de suite accepté, et j’ai pensé inviter Jean Detheux à se joindre à nous.

Tout ça sans trop savoir comment nous allions mettre en rapport les trois sources d’image de nature et de caractère assez différent. Il s’agissait effectivement de sources hétérogènes. Le seul point commun était qu’il s’agissait dans tous les cas de travail «en direct». Je travaille en dessinant en direct à la plume feutre effaçable sur une surface blanche, travail qui est aussitôt enregistré image par image et manipulé numériquement. Le résultat est très graphique et peut facilement rester assez minimal en termes d’occupation de la surface de l’écran. Audrey et Saul travaillent en manipulant des matières en direct (sable, peinture sur verre), sans enregistrement, et en les manipulant en direct sur ordinateur. L’image résultante procède le plus souvent par grandes masses. Jean Detheux dessine en direct sur une tablette graphique et combine ces images à des matières préexistantes. C’est un travail très pictural et très détaillé qui occupe de façon égale, «all over», toute la surface de l’écran.

Le cours des discussions préalables par voie de courriel m’a emmené à proposer une piste assez radicale : mettre nos trois images de styles très différents ensemble, superposées, sur le même écran et d’improviser en contact direct les uns avec les autres de sorte à créer une image globale composite qui se tienne. La proposition, qui à ce que je sache n’avait pas de précédent, était assez risquée, surtout dans un contexte où il ne serait pas possible de répéter. Cela allait demander beaucoup «d’écoute» et de retenue de la part de chacun. É l’arrivée de Audrey et de Saul, nous en avons discuté en direct et avons convenu d’une performance en deux parties.

Nous avons donc fait une première partie, à trois écrans, où chacun disposait de son propre écran. Les trois univers graphiques étaient donc simplement juxtaposés, les uns à côté des autres. Et c’est dans la deuxième partie que nous avons tenté la superposition des trois sources différentes sur le même écran. Pour faire cela, nous avons mis deux mixeurs vidéo Edirol V-4 en ligne de sorte à pouvoir superposer les trois images par «keying». Il convenait que l’image de Jean soit au fond à cause de son caractère très étale, que l’image en peinture sur verre de Saul et Audrey vienne en deuxième à cause des larges zones noires qui la caractérisent et que la mienne soit par dessus à cause de sa faible occupation de la surface de l’écran. Il y avait ainsi peu de risque qu’une des trois images soit complètement cachée et oblitérée par les deux autres. Le principe était que le «keying» soit réglé au point de départ de sorte à obtenir un équilibre entre les trois images et que par la suite ça soit la responsabilité de chacun de travailler en préservant cet équilibre. Le point critique était le rapport entre l’image de Saul et Audrey et celle de Jean. C’était à la charge de Saul et Audrey de faire attention de toujours garder des zones noires suffisantes pour que l’image de Jean reste visible. Cela a très bien marché et il n’a pas été nécessaire de modifier les réglages des mixeurs en cours de route.

J’avais d’abord pensé qu’il aurait fallu une sorte de partition (avec par exemple des solos de chacun) pour organiser le cours de la performance, mais cela aurait demandé des répétitions pour maîtriser le déroulement. Dans les circonstances, il était donc préférable de simplement plonger et le résultat semble avoir été étonnant. Je n’ai pas encore visionné la captation (des extraits seront bientôt disponibles sur YouTube) mais la réaction du public fut éloquente ainsi que celle des musiciens qui évidemment ont mieux vu que nous ce qui se passait. Pour moi, cela a démontré quelque chose quant à la possibilité de travailler à trois sources sur une même image dans des rapports aussi directs et imbriqués qu’un trio de musiciens. Jean, Audrey et Saul ont été enchantés de l’expérience, ce qui me comble. Je ne sais pas ce qui sortira de cet atelier mais ce fut certainement un moment important et fécond.

Visionnez la VIDÉO.

 

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