Voyage à Mingan

Dimanche 9 août 2009

Arrivée à sept-Îles hier soir, après que les angoisses et les rebondissements autour de ma nouvelle caméra vidéo HD se soient apaisés. Je vais donc faire ce tournage à Mingan pour le spectacle de Chloé Sainte-Marie. Je passe les épisodes de l’achat de la caméra à toute vitesse par téléphone, des problèmes d’expédition, des erreurs quant au type de cartes mémoire qui ont fait qu’avant samedi matin je ne savais pas si j’avais en main une caméra fonctionnelle. Après plusieurs années d’hésitation, j’ai donc acheté la toute nouvelle JVC PRO HD (GY-HM100U) parce qu’elle est la plus légère, la plus compacte, parce qu’elle enregistre sur des cartes SDHC et parce qu’elle peut le faire dans le format QuickTime natif de Final Cut Pro. Au bout du compte, il ne semble pas que je me sois trompé.

J’ai donc dormi à Sept-Éles hier soir et j’ai pris la route 138 est ce matin pour me rendre d’abord à Rivière-au-Tonnerre où j’avais fini par pouvoir réserver une chambre (pas facile avec les constructions de barrages hydro-électriques en cours) puis à Mingan où Bibitte m’avait donné rendez-vous aujourd’hui sans vraiment m’expliquer ce qu’il allait s’y passer. Je suis arrivé au camp scout de la communauté de Mingan vers 14H:00 et il n’y avait pas âme qui vive. Je me suis assis un peu à me laisser absorber par la mer puis je suis allé tourner quelques paysages de toundra le long de la route 138. Au retour, je suis tombé sur Isabelle Miron, une écrivaine que je connais depuis une vingtaine d’année et que je n’ai pas croisé depuis très longtemps. Étonnement réciproque de se trouver là. Finalement, elle m’a expliqué ce qui allait se passer dans ce camp scout. Il s’agit d’une rencontre d’écrivains blancs et autochtones qui avaient déjà collectivement publié un bouquin de correspondance deux à deux sous la direction de Laure Morali. Cette rencontre est une suite du bouquin mais aussi un apport à la résistance contre le développement hydro-électrique sur la rivière Romaine. Je me suis senti un peu intrus, mais j’ai été accueilli chaleureusement par tous (d’abord par Rita Mestukush, une poétesse innu de Mingan, hôtesse de cette rencontre) même si Bibitte n’était pas là. Quant je suis parti ce soir, elle n’était pas encore arrivée. Ce voyage prend donc une tournure bien inattendue.

Lundi, 10 août 2009

Pluie ce matin. Ce n’est pas ce qu’on avait annoncé. Ce n’est pas fameux pour ce que j’ai à faire ici. Je pensais pouvoir m’attarder sur la route vers Mingan pour tourner des images de ces rivières condamnées à l’hydro-électricité d’ici quelques années, dernière chance de les tourner vierges. Je vais donc me rendre à la rencontre d’écrivains blancs/autochtones pour prendre connaissance du programme de la journée.

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La pluie a cessé assez vite, mais il y a eu un brouillard épais toute la journée. J’ai quant même tourné un peu, des images assez belles je crois, mais je n’ai pas surtout besoin d’images embrumées. J’ai donc été présent à la rencontre d’écrivains toute la journée. Tour de table le matin pour que chacun se présente, je n’étais pas le seul intrus ; l’après-midi, visite de la communauté, église de style amérindien, pharmacie traditionnelle, tente de sudation, Conseil de bande. Le soir, juste avant le souper, Rita a voulu me forcer un peu pour que j’écrive, elle a écrit un début de poème dans un carnet et m’a dit de continuer. Je ne voyais pas comment je pourrais continuer sous forme d’un poème. Je me suis tiré d’affaire en dessinant à partir de son texte. Elle a répondu par un autre court texte auquel j’ai accolé un autre dessin. Il y a eu ainsi trois échanges. C’était joli et touchant.

Mardi, 11 août 2009.

Aujourd’hui, temps superbe, chaleur et soleil d’été. Je suis monté aux chutes de la rivière au Tonnerre, 10 kilomètres de route de terre vers l’intérieur. J’ai tourné les chutes mais aussi toutes sortes d’autres choses dont j’avais besoin. É la fin du mois d’août, Hydro Québec va fermer cette route pour commencer les travaux. Ce lieu ne sera plus jamais pareil. Et j’ai continué sur la route vers Mingan, puis sur la route vers Havre St-Pierre. É Havre St-Pierre, il y avait une lecture du groupe d’écrivain qui se rencontraient à Mingan. Lecture très émouvante, avec des points vraiment forts, entre autres la poésie de Rita et celle de Violaine Forest. Découverte dans les deux cas. André A Michaud a livré un texte très bien et très étonnant sur les oiseaux. Demain, avant de repartir pour Sept-Éles, je vais me rendre en bateau au campement de la rivière Romaine pour tourner un peu puis je vais ressortir tout de suite. Les autres campent là deux jours. Longue route ce soir pour revenir à mon B&B de Rivière-au-Tonnerre, 110 kilomètres dans la nuit, conduite très abstraite, sans paysage. Comme sur un tapis roulant. Heureusement c’était le dernier soir.

Mercredi, 12 août 2009.

Dernier jour. J’ai rendez-vous à 9H :OO au pont de la rivière Romaine. Pouvoir tourner sur cette rivière condamnée, c’est une vraie chance. Louis, le frère de Rita me conduit au campement qui sera inondé suite à la construction du barrage. Vingt minutes de speed boat sur cette rivière majestueuse et calme pour arriver sur cette île à la longue pointe sablonneuse avec deux tentes indiennes déjà érigées pour les écrivains. Pour l’instant, il n’y a qu’un Indien, Jean, et son fils ou son petit-fils, je n’arrive pas à mettre un age sur le visage buriné et taciturne de cet homme. Le lieu le plus beau, le plus calme et le plus silencieux du monde. Lorsque le bruit des moteurs des deux bateau eut disparu dans la distance, il ne restait plus que de légers bruits de proximité, un léger vent entre les branches des épinettes. Le temps de tourner et je retourne avec le second voyage des bateaux qui font la navette pour amener les campeurs. Retour à Sept-Éles en tournant un peu ici et là le long de la route 138. Puis l’avion vers Montréal. Un voyage bien différent de ce que j’avais envisagé. Projet d’aller faire Seule la main… à Mingan en innu. À rediscuter avec Rita qui s’occupe, entre autres chose, de la culture au Conseil de bande.

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