Berlin – Le passage du temps / 17/01/2014

Dans sa conception même, l’installation ocille entre une construction générale diffuse et flottante, sans début ni fin, qui s’accomode assez bien du passage de durée variable d’un visiteur plus ou moins attentif et des petits blocs où une altération «dramatique» du temps et de l’espace a lieu qui fait qu’il y a un avant et un après. Pour en percevoir le sens, il faut donc préférablement les voir au complet, du début à la fin. La construction générale permet une déambulation dont la durée n’a pas beaucoup d’importance, la présence des petits blocs «dramatiques» exige l’arrèt devant les court «film» pendant une durée déterminée (entre 3 et 5 minutes selon les segments) ce qui reproduit d’une certaine façon la situation d’un spectateur de cinéma qui doit s’immobiliser pour une durée définie devant un seul écran (selon les remarques de Raymond Bellour sur la spécificitée du dispositif «cinéma»). Il y a donc dans cette oeuvre une tension entre «cinéma» et installation, une solliscitation cinématographique au sein d’une installation (qui correspond à un type de déambulation spécifique, à savoir s’approcher d’un écran ou de l’autre pour un moment d’arrêt.

Cela n’est pas étonnant car fondamentalement, même si depuis des années je pratique des formes (performance, installation) qui débordent largement le cadre convenu du cinéma, je suis un cinéaste. Quand je dis que je suis cinéaste, je veux dire que ma formation s’est faite à une époque où il n’y avait à peu près que le cinéma (il y avait les débuts de la télévision mais pas encore la vidéo) et que pendant de longues années, avant d’aborder des pratiques «débordantes», mon cadre de référence essenciel a été le cinéma. Mème après trente ans de pratique extracinématographique, je suis bien conscient de constemment chercher à fabriquer des objets cinématograhiques, c’est à dire ayant une certaine forme de construction «dramatique». J’emploie ici le mot «dramatique» dans son sens le plus large, car mon travail à le plus souvent été sur le versant non-narrratif» du cinéma. Mais il est certain que je cherche toujours à ce que dans la durée «quelque chose se passe», préoccupation qui me semble beaucoup plus secondaire dans ce que je connais de l’art-vidéo et dans les pièces d’installation vidéo. Alors pourquoi ne me suis pas contenté du «dispositif cinéma», projection sur un écran dans une salle obscure devant des spectateurs immobilisés pour une durée déterminée, pourquoi suis-je allé voir «ailleurs» à ce point?

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