Berlin – Le passage du temps / 11/01/2014

Je me pose continuellement ces jours-ci le problème de savoir combien de temps des visiteurs pourront rester devant l’installation et de quelle façon ils vont la regarder. Je vois bien que je ne suis plus bon juge pour certains aspects. Les visionnements hebdomadaires que je fais sur quatre écrans me sont encore très utiles pour juger de la composition d’ensemble et ils sont essentiels pour travailler sur l’équilibre sonore et sur le volume minimum auquel l’installation garde encore son sens. Mais en ce qui concerne la sollicitation à aller regarder un écran ou l’autre en particulier, je suis totalement démuni. Je connais trop bien chaque segment pour ressentir cette invitation à m’approcher. Lorsque l’installation sera en place à Paris et à Montréal, je vais donc devoir passer du temps à observer incognito le comportement des visiteurs, leur déambulation et combien de temps ils passent devant l’installation.

La question de la durée de la visite est tout aussi troublante. Personnellement, même en connaissant très bien le détail de chaque fragment, je peux passer facilement deux heures uniquement concentré sur la configuration d’ensemble à l’échelle des quatre écrans. Mais je ne suis vraiment pas un critère car ma posture est celle du créateur qui essaie de comprendre ce qu’il a devant lui dans le but de décider comment continuer le travail. Ce qui n’a rien à voir avec l’approche d’un visiteur quelconque. Avant de pouvoir observer de véritables visiteurs, voici ce que je dis. Il y a donc deux modes de visionnement, observer les quatre écrans en même temps ou se concentrer sur ce qui se déroule sur un seul écran.

En ce qui concerne le visionnement de l’ensemble, deux facteurs sont en jeu. Premièrement, c’est un fait qu’après treize minutes (longueur de la boucle la plus longue) tout a été vu une fois même quand ce serait de façon un peu distraite. Deuxièmement, les rapports entre les différents écrans changent constamment créant de nouvelles configurations, de nouveaux rapports. Il a été calculé que, compte tenu de la longueur des différentes boucles, ce ne serait qu’après mille cent vingt années que la configuration de départ se reproduirait. Il est donc théoriquement possible, si on øTout se joue dans tension qui se crée entre la lassitude d’avoir déjà vu les mêmes images plusieurs fois et le fait que de nouvelles configurations apparaissent sans arrêt. Quelle durée est-ce que ça fait ? Je ne connais évidemment pas la réponse et elle varie certainement selon les personnes. La durée minimale d’un visionnement sérieux serait donc de treize minutes, la durée maximale est inconnue mais je présume qu’après trois tours de la boucle la plus longue un certain épuisement pourrait commencer à se manifester, ce qui fait trente neuf minutes.

Pour le visionnement détaillé des différents segments, si un visiteur veut tout voir de façon attentive, donc regarder au complet le contenu de chaque écran, il devra passer quarante minutes. Mais tout ne mérite pas d’être vu attentivement et il est certainement possible par moment de regarder plus ou moins deux écrans en même temps ce qui peut réduire la durée de façon assez importante, disons de moitié, c’est à dire qu’un visionnement attentif raisonnable pourrait prendre environ vingt minutes. Je fais donc l’hypothèse qu’au total il serait possible de passer entre quarante et soixante minutes devant l’installation sans s’ennuyer. É vérifier. Mais je sais que la plupart des visiteurs passeront beaucoup moins de temps.

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